Publié par : V | samedi, 8 mars 2008

L’égalité dans le leadership

Alors que j’étais président du CNJPQ, je m’étais rendu à l’Assemblée nationale pour rencontrer Pauline Marois, alors critique du PQ en matière d’éducation. Dès mon arrivée, touché, comme à chaque fois, par la personnalité chaleureuse de mon hôte, je n’avais pas manqué de remarquer un immense cadre derrière son bureau. Il s’agissait d’une proclamation où apparaissait le Grand sceau du gouverneur général du Canada, image plutôt singulière dans le bureau d’une députée péquiste, vous l’avouerez.

Après avoir discuté de dossiers d’éducation, j’ai osé poser à Mme Marois une question qui me brûlait les lèvres depuis longtemps :

« Vous avez tellement voulu être chef du parti, depuis tellement longtemps. Avec tout le respect que j’éprouve pour vous, je ne peux m’empêcher de vous demander ce que vous avez, selon vous, à offrir de tellement différent au Québec.

– Tu vois ce cadre, Claude, derrière moi ? me dit-elle, en pointant l’immense tableau dont je vous ai parlé plus tôt. Il s’agit du texte de la proclamation de la modification constitutionnelle que j’ai obtenue, avec l’accord d’Ottawa, afin de pouvoir créer les commissions scolaires linguistiques, alors que j’étais ministre de l’éducation. Depuis 1867, je suis la seule ministre à avoir obtenu l’accord d’Ottawa pour une modification constitutionnelle, à la demande du Québec. Ça, je l’ai fait sans crise, sans coup de force, sans descendre dans la rue, sans cogner sur la table. J’y suis arrivé en discutant, en présentant mes arguments, en faisant valoir le gros bon sens. C’est ça, me dit-elle, le leadership que j’ai envie d’offrir au Québec et dont je pense qu’il a besoin. »

On le dit souvent, peut-être trop, mais les femmes n’ont pas les mêmes façons de faire que les hommes. Aussi, les qualités que nous attribuons au leadership, c’est-à-dire la fermeté, l’autorité, une certaine agressivité et parfois un peu d’arrogance, s’apparentent plus naturellement au caractère des mecs.

Quand on dit qu’il est difficile pour les femmes de percer en politique donc, je ne pense pas qu’il faille parler de discrimination, mais bien de préjugés. C’est-à-dire que l’on est moins porté à reconnaître le leadership d’une femme que d’un homme, parce qu’il ne correspond pas à l’idée que l’on s’en fait. Et c’est vrai, je pense, de la part de gens des deux sexes. Et c’est dommage parce que cette façon de faire, la politique en a besoin aussi.

Ce que je vais dire est gros donc, mais oui, je pense qu’il y a encore, de la part des gars de ma génération, un certain fond de misogynie. Ho ! Jamais il ne nous viendrait à l’esprit de penser : « Pas de danger que je vote pour une fille ! » C’est beaucoup plus insidieux. Une espèce de préjugé, enrichi d’un certain paternalisme, qui nous amène à penser qu’une fille est trop fragile, trop sensible ou trop frivole pour occuper ce genre de fonction.

Combien de fois, par exemple, a-t-on accusé Pauline Marois d’être hautaine, superficielle, rancunière ou envieuse ? Pourtant, pour citer un candidat de la course au leadership de 2005, qui avait permis l’élection d’André Boisclair, « sur les neuf candidats, c’est loin d’être Pauline la plus snob de la gang… »

Vous savez, quand il y a des enquêtes sur le racisme, on pose souvent la question suivante : « Accepteriez-vous d’engager un noir ? » Au Québec, heureusement, le taux de réponse favorable est très élevé, encore que les statistiques sur l’emploi des noirs nous montrent qu’il y a encore des progrès à faire en ce domaine. Quoi qu’il en soit, moi, il y a une question que je serais encore plus curieux de voir posée : « Accepteriez-vous de travailler pour un noir ? » Ce n’est plus la même chose ici ! Engager quelqu’un, le faire travailler, passe encore, mais accepter d’être subordonné à un noir, est-ce que tous les gens qui se disent ouverts seraient aussi motivés ? Je suis loin d’être sûr de ça.

Il en va de même pour les femmes je crois. Les hommes de ma génération sont tous convaincus que les femmes ont leur place en politique et qu’elles peuvent occuper toutes les fonctions. Mais s’incliner devant une femme, l’appuyer, lui céder la place parfois, accepter en somme d’être dirigé par l’une d’entre elles ? Je suis loin d’être sûr que c’est tout le monde qui est à l’aise avec ça.

En conclusion donc, je dirais que voter pour une candidate parce qu’elle est une femme, c’est un peu insultant pour elle et ses capacités à la limite. Mais nous devons reconnaître qu’il arrive encore qu’une candidate soit écartée à cause de son sexe, sans même que l’on s’en rende compte. Et nous devons réaffirmer, finalement, que si aucune femme ne mérite d’être élue précisément parce qu’elle en est une, voter pour une femme demeure encore un puissant geste en faveur de l’égalité.

Pensez à ça donc et permettez moi de souhaiter, à tous ces merveilleux êtres qui rendent notre quotidien meilleur, qui nous émeuvent, nous touchent et nous font parfois faire des folies, une formidable journée de la femme. Le 8 mars ne doit pas seulement être leur fête à elles, mais aussi celle de ceux qui les aiment ! (Oui, j’admets que je demeure encore un peu macho…)

Bonne journée les filles !


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